Aller au contenu

 

Regards sur l'actualité

Obama et l'espoir d'une nouvelle Amérique

Gilles Vandal
Gilles Vandal

6 novembre 2008

Robin Renaud

Journal UdeS : L'élection de Barack Obama suscite beaucoup d'espoir chez une partie de la population des États-Unis, mais aussi ailleurs dans le monde. Croyez-vous que ces espoirs sont fondés ou risquent-ils d'être déçus?

Gilles Vandal : L'élection de Barack Obama suscite beaucoup d'espoir et d'enthousiasme. Cela était évident le soir des élections un peu partout dans les villes américaines. Quelque 250 000 personnes se sont rendues dans le parc de Chicago pour entendre son discours. La force d'Obama est d'être capable de tenir à la fois un discours idéaliste et de faire rêver tout en ayant une approche très cartésienne et très pragmatique. C'est un rassembleur. Il est capable de se concilier et même de travailler avec des conservateurs, même si sa base est plus à gauche. Il va poursuivre le rêve tout en maintenant ses objectifs de gouvernance pour l'ensemble des Américains.

Journal UdeS : Les Américains interviennent souvent à l'étranger en fonction de leurs intérêts économiques; Barack Obama peut-il amener réellement des changements significatifs dans la politique étrangère des États-Unis?

G. Vandal : Les États-Unis sont la première puissance au monde. En politique étrangère, les positions se définissent d'abord à partir des intérêts nationaux de chacun des pays. Barack Obama va vouloir préserver l'hégémonie américaine. Toutefois, le changement sera notable, mais ce sera un changement de style, un peu comme Kennedy en 1960. Obama va être prêt à fonctionner en partenariat avec le reste du monde. Ce sera la fin des politiques unilatérales mises en place par Bush. Cela a d'ailleurs commencé. Le Bush de 2008 et le Bush de 2003, c'est deux mondes différents. Mais par le discours du nouveau président, les gens vont avoir l'impression d'un réel changement.

Journal UdeS : Que pourrait signifier l'élection d'Obama pour le Canada et pour l'ALENA?

G. Vandal : Je n'anticipe pas trop de changements des relations des États-Unis avec le Canada. Le président devra toutefois compter sur un congrès en majorité démocrate, qui est beaucoup plus protectionniste. Il faut aussi tenir compte du besoin américain sur le plan énergétique. Le Canada est de loin le principal fournisseur des États-Unis à ce niveau. Je pense donc que le Mexique et les pays émergents ont plus à craindre de l'élection d'Obama que le Canada.

Journal UdeS : Avec la crise boursière actuelle, le prochain président américain a-t-il les coudées franches quant à l'administration du pays?

G. Vandal : La crise financière actuelle est sérieuse. Les États-Unis sont confrontés à des défis importants. Le nouveau président va débuter son mandat alors que le pays sera probablement en pleine récession. Avant même de mettre en place ses politiques, Obama va devoir trouver des solutions à la situation économique. Il sera confronté à des choix contradictoires : comment rétablir les finances publiques tout en stimulant l'économie? En ce sens, il n'aura pas les coudées complètement franches pour implanter ses promesses électorales. Cela n'est pas nouveau. Le président Clinton a été confronté au même problème en 1993. Mais Obama, qui est un grand rassembleur et qui est capable de fonctionner au-delà des lignes de partis, a une occasion de faire sa marque.

Journal UdeS : Barack Obama est certainement plus à gauche du spectre politique que son opposant John McCain. Mais est-il le socialiste que certains s'efforcent de décrire?

G. Vandal : Il faut savoir aller au-delà de la rhétorique d'une campagne électorale. Les républicains ont tendance à chaque élection à «démoniser» leur adversaire et à le présenter comme étant le représentant le plus libéral de son parti. En fait, tout au long de sa carrière, Obama a démontré qu'il était d'abord un pragmatique, plus conservateur que libéral. Par exemple, en théorie et en pratique, Mme Clinton est plus à gauche que M. Obama. Mais ce dernier est capable d'adopter un discours idéaliste qui va rejoindre sa base tout en sachant les limites de ce qu'il est capable de faire. Toutefois, il est à la tête d'un mouvement qui veut des changements. Son parti va pousser pour des réformes. En ce sens là, Obama a l'opportunité de passer à l'histoire comme un grand réformiste, comme certains autres présidents démocrates qui l'ont précédé.